Pendant la crise COVID-19, le département Recherche Externe et Stratégies Nutritionnelles du Groupe Nutriset a maintenu ses activités, malgré les difficultés opérationnelles pour mener des études sur le terrain. Son directeur, Mamane Zeilani, s'exprime sur la crise COVID-19 en lien avec la recherche et les évolutions qu'elle peut engendrer sur les modalités de prise en charge de la malnutrition.
Questions à Mamane Zeilani, Directeur Recherche Externe et Stratégies Nutritionnelles
Quels effets la crise a-t-elle produit sur les études en cours du département RESN ?
Via des partenariats de recherche académique, notre département conduit actuellement environ onze études de terrain dans dix pays. Le confinement a eu, bien sûr, un impact sur la bonne continuité de ces études sur le terrain, notamment celles qui nécessitent la mise à disposition régulière de produits-tests visant à traiter et/ou prévenir différentes formes de malnutrition.
"Dans notre domaine, celui de la nutrition, je pense que la crise peut grandement accélérer l’adoption par les organisations internationales d’un protocole unique de traitement de la malnutrition aiguë modérée et sévère."
Mais l’arrivée brutale du Covid-19 dans nos vies nous a aussi permis d’approfondir les recherches que nous menons, depuis longtemps déjà, sur le lien entre nutrition et maladies infectieuses. Le temps du confinement a été un moment intense de travail académique, en lien avec de nombreux chercheurs, de lecture et d’édition de publications, de documentation sur le sujet.
Dans le même temps, nous avons dû aussi continuer à apporter notre soutien technique à la mise en place, par des gouvernements notamment, de projets de mise à l’échelle de solutions nutritionnelles de type SQ-LNS (gamme Enov’) permettant de prévenir la dénutrition durant la période critique des 1000 premiers jours, qui vont de la conception aux 24 mois du jeune enfant.
Prévenir la dénutrition durant les « 1000 jours » fait partie, au même titre que favoriser le traitement de la malnutrition aiguë modérée ET sévère avec un protocole simplifié et un produit unique, est l’axe stratégique le plus en lien avec notre cœur de métier.
"Une masse énorme d’études va voir le jour et il nous faut rapidement en extraire les données à capitaliser pour activement participer à l’intégration effective d’objectifs nutritionnels dans les programmes pluridisciplinaires de santé."
En quoi la nutrition est-elle importante dans le cas des maladies infectieuses ?
C’est un sujet que nous étudions depuis longtemps, notamment à travers nos études et nos propositions de solutions nutritionnelles destinées aux patients affectés par le VIH. Un bon statut nutritionnel, difficilement atteignable dans les pays à revenu moyen à faible, est une condition sine qua non à la mise en place, par notre organisme, d’un système de défense efficace face à une agression externe, quelle que soit sa nature. Les études des cas liés au Covid-19 vont pour cela nous permettre d’approfondir notre connaissance sur le rôle particulier de nutriments spécifiques permettant une réponse immunitaire adaptée aux infections de type viral.
Le rôle de la nutrition, quand l’infection est contrôlée puis quand le patient est convalescent, sera également d’un grand intérêt pour les projets inhérents à deux axes stratégiques du Groupe Nutriset, « Nutrition et maladies transmissibles » et « Nutrition et maladies non transmissibles ». Les experts en maladies infectieuses ont, en effet, dans le cas de cette pandémie, mis en évidence une possible aggravation de la maladie Covid 19 chez les personnes présentant certaines comorbidités. Je pense, par exemple, à celles qui sont en surpoids, obèses, ou encore aux personnes diabétiques. Cette dernière donnée est pour nous importante car nos réflexions sur l’interaction nutrition-diabète de type 2 nous ont amenés à prioriser le développement de produits et de services spécifiques.
"Les études des cas liés au Covid-19 vont nous permettre d’approfondir notre connaissance sur le rôle particulier de nutriments spécifiques permettant une réponse immunitaire adaptée aux infections de type viral."
Quel sera l’impact de la crise dans votre façon de travailler à l’avenir ?
La crise du Covid-19 a fortement - et durablement, je crois – interpellé l’ensemble des secteurs de santé, évidemment. Particulièrement dans notre domaine, celui de la nutrition, je pense qu’elle peut grandement accélérer l’adoption par les organisations internationales d’un protocole unique de traitement de la malnutrition aiguë modérée et sévère. Elle a aussi renforcé la réflexion sur l’articulation nutrition-maladie (virale).
Elle va sans doute ouvrir de nouvelles perspectives sur les questions visant à préciser les liens entre nutrition et réponse immunitaire. Je pense, par exemple, au VIH. Elle braque également les projecteurs sur les risques des maladies dites de « civilisation », comme le surpoids, l’obésité et les pathologies qui y sont associées.
Une masse énorme d’études va voir le jour et il nous faut rapidement en extraire les données à capitaliser pour activement participer à l’intégration effective d’objectifs nutritionnels dans les programmes pluridisciplinaires de santé au sens large.